Communiqué de presse commun, signé par les élu.e.s écologistes et citoyens de Nantes, le groupe local d’Europe Ecologie Les Verts, Génération Ecologie 44 et l’association AVEC Nantes.
La réouverture des écoles le 11 mai, alors même que le Conseil Scientifique a fait savoir qu’il y était défavorable, continue d’interroger et s’avère être un véritable casse-tête aussi bien pour les parents, le personnel éducatif, que pour les collectivités locales.
Oui, les enfants ont besoin d’apprendre ensemble, de se retrouver, de retourner réellement à l’école. Mais en aucun cas ils ne doivent être la variable d’ajustement pour permettre la relance économique. Le gouvernement justifie ce retour précipité par la volonté de lutter contre les inégalités, reconnaissant ainsi que l’enseignement à distance les aggravait. Mais quelles sont ses réelles motivations, quand ces mesures visent avant tout à remettre les parents au travail, sans garantir l’égalité du droit à l’éducation ni le bien-être des enfants ?
A Nantes comme ailleurs, le protocole sanitaire national s’applique. S’il est indispensable de donner des repères d’hygiène et de sécurité sanitaire à tous les adultes intervenant dans l’école, et d’éduquer les enfants à adopter des comportements adaptés à la situation, il est à nos yeux tout aussi primordial de prendre en compte les besoins élémentaires des enfants qui font aussi l’école : jouer, bouger, courir, être en relation.
A Nantes, le retour à l’école sera progressif et débutera le 14 mai, en priorisant les enfants des classes charnières : grande section de maternelle, CP et CM2.
Tous les enfants ne reprendront donc pas le chemin de l’école ce 14 mai. Il en va de même pour les collégien.ne.s avec une reprise annoncée la semaine du 18 mai pour les élèves de 6ème et 5ème.
Après deux mois de confinement dans des conditions extrêmement inégales en fonction des familles, notre priorité est d’accompagner au mieux les enfants, les jeunes et leurs familles, pour que personne ne s’effondre scolairement, socialement ou psychologiquement.
Les enfants sont les grands oubliés des pouvoirs publics. Or, les conséquences de la crise sanitaire sur leur santé mentale sont bien réelles, et il est urgent de déployer des mesures pour pallier la persistance d’un stress chronique.
Les élu.e.s écologistes de Nantes et Nantes Métropole, les militant.e.s du groupe local EELV, de l’association AVEC et de Génération Ecologie 44 formulent 7 propositions pour prendre soin maintenant des enfants et des jeunes nantais, et propager l’entraide :
1 – Assurons en priorité la continuité du lien avec les familles dont les enfants sont menacés de décrochage scolaire, en situation de handicap ou en situation sociale difficile. Le risque de perdre de vue certains élèves justifie à lui seul la réouverture des écoles. Pour autant, cette reprise de l’école telle que décidée par le gouvernement n’indique aucun ciblage concret des élèves qui auront le plus souffert du confinement. La Ville doit mettre tout en œuvre pour soutenir les équipes pédagogiques et les aider à entrer en relation avec ces élèves, les rassurer, leur donner envie de revenir vers les apprentissages.
Cette reprise de contact s’organise à l’échelle de chaque établissement et ne peut se faire sans une mobilisation de l’ensemble des partenaires de l’éducation, avec au premier rang les directeurs.trices/enseignant.e.s et psychologues scolaires /personnel médical scolaire.
Les habitant.e.s et les associations peuvent alors être d’une grande aide, comme ils ont su le faire sur l’école Jacques Tati au Clos Toreau, ainsi que les conseils d’école et collectifs de parents d’élèves (cf. témoignage et contact plus bas d’une habitante).
2 – Ouvrons des jardins d’enfants pour les 2-5 ans : Un mètre de distance entre chaque enfant à tout moment, pas de contact entre enfants et personnel éducatif, pas de jeux en récréation… Avec un protocole sanitaire national inadapté aux jeunes enfants et intenable pour le personnel éducatif, la prudence sanitaire qui conduit à ne pas accueillir, dans un premier temps, les enfants de petite et moyenne sections de maternelle est salutaire. En lien avec l’ACCOORD, nous appelons la Ville à mettre en place des petites unités d’accueil pour ces enfants, en s’appuyant sur le protocole de la Protection maternelle infantile (PMI) qui pour sa part affiche clairement le respect des besoins fondamentaux du jeune enfant.
3 – Des espaces et des activités en dehors du cadre scolaire pour tous les enfants et les jeunes, tout en garantissant le respect des consignes sanitaires et des gestes barrière :
- Mobilisons, coordonnons et soutenons financièrement toutes les ressources associatives et de la Ville prêtes à proposer des activités de proximité en plein air aux enfants et jeunes pour leur permettre de s’apaiser, s’émerveiller, jouer, renouer avec le collectif… En particulier les partenaires de l’éducation populaire, de l’éducation à l’environnement, du sport, de la culture…
- Ouvrons une rubrique spéciale enfants et jeunes sur la plateforme Nantes entraide où retrouver toutes ces propositions associatives, mais aussi celles des habitant.e.s qui ont des idées et sont prêts à aider. A la ville de coordonner et faciliter la concrétisation de cette entraide et créativité au service des jeunes nantais.es.
- Garantissons la sécurité sanitaire pour pratiquer ces activités et rassurer les familles : Un schéma d’aménagement établi par la Ville pour chaque espace extérieur (jardins, parcs, terrains sportifs) permettra aux enfants et aux jeunes de pratiquer ces activités et de s’amuser en limitant tout risque de propagation du virus. En complément, des « médiateurs.trices santé » volontaires rémunérés seront répartis sur les différents lieux publics plébiscités par les habitant.e.s (places, parcs et jardins, promenades) pour informer, rassurer et veiller au respect des consignes sanitaires de manière bienveillante et en tenant compte des difficultés linguistiques.
4 – Facilitons le retour à l’école pour les enseignant.e.s et pour les familles :
- Facilitons et sécurisons pour les enseignant.e.s qui le souhaitent un accès aux cours, aux parcs et aux jardins, pour faire école dehors, en associant au besoin les parents d’élèves volontaires et en travaillant avec leurs représentant.e.s.
- Donnons la priorité absolue aux piétons et vélos pour se rendre à l’école : Repensons les abords de l’école pour faciliter la gestion des entrées / sorties et matérialiser les espaces de circulation, renforçons la signalisation pour les dépose-minutes, …
5 – Faisons de « Nantes, ma ville vacances cet été » : Garantissons le droit aux vacances pour tous les jeunes nantais.es en maintenant les activités pendant l’été et en offrant de nouvelles perspectives. Propice aux rencontres, aux découvertes, aux apprentissages, au dépaysement, cet espace-temps permettra de ressourcer enfants et jeunes. En s’attachant à donner plus et mieux à ceux qui ont moins.
6 – Amplifions la médiation scolaire pour les familles vivant en bidonvilles ou en squats, via le plan pauvreté de la Métropole : la continuité pédagogique, dépendante d’un soutien familial fort, d’outils numériques et de leur maîtrise… a été particulièrement difficile à assurer, voire impossible. Il s’agit de déployer dès maintenant des moyens financiers et humains vers ces familles pour réduire la distance entre elles et l’école, et encourager une rentrée des classes pour tous leurs enfants. Ouvrons des lieux pour des petits groupes permettant à ces élèves de pouvoir réaliser le travail à distance proposé par leurs enseignant.e.s. En lien avec le périscolaire et les associations de soutien scolaire.
7 – Maintenons et reconnaissons les structures d’écoute et d’accompagnement des enfants et parents : en complément de la plateforme Enfance et Covid (http://www.enfance-et-covid.org/) qui a mis en place un numéro gratuit de soutien à la parentalité (0805 827 827 – contact@enfance-et-convid.org), promouvons les acteurs nantais qui se sont mobilisés durant le confinement et continuent de le faire pour apporter des ressources concrètes et soutenir les parents dans leur rôle. Accompagnons la réouverture des Lieux d’Accueil Enfants Parents dans le respect des règles sanitaires. https://metropole.nantes.fr/services/enfance-education-jeunesse/petite-enfance/les-lieux-daccueil-enfants-paren
A plus long terme, l’école comme d’autres institutions, appelle à une « ré-invention » avec un soutien renouvelé de l’Etat. Les suppressions successives de postes, les classes et établissements surchargés, l’absence de reconnaissance et de valorisation des enseignant.e.s, le manque d’infrastructures sportives, la surenchère du numérique… La crise sanitaire a mis en lumière l’importance des services publics et les effets délétères des politiques d’austérité.
D’autant qu’à l’avenir, il est envisageable que nous soyons confrontés à de nouveaux épisodes de ce type, qui sont directement liés à la détérioration de la planète. L’an dernier, l’épisode de canicule a créé des conditions intenables pour les collégien.ne.s, qui ont dû repousser leurs épreuves du brevet. Dès maintenant, permettons aux enseignant.e.s de faire classe dehors, construisons des écoles bioclimatiques modulables et débitumons les cours d’école en y installant des jardins pédagogiques.
Comme le dit le pédagogue Philippe Meirieu : « Il n’y aura un « monde d’après », différent de celui d’avant, que si l’École prend sa part dans sa construction. »
Signé : Les élu.e.s écologistes et citoyens de Nantes, le groupe local d’Europe Ecologie Les Verts, Génération Ecologie 44 et l’association AVEC Nantes.
TEMOIGNAGES de parents et enseignant.e.s
Anne G. habitante du Clos Toreau – 06 38 74 10 85 : « Je suis rentrée en lien avec la directrice de l’école primaire du Clos Toreau à l’occasion d’une distribution de revues aux enfants du quartier, organisée par une association dont je fais partie. Après quelques jours elle a remarqué que j’habitais dans le même immeuble que deux enfants d’une même fratrie dont elle n’avait plus de nouvelles depuis un mois. La maman d’origine étrangère (de deux enfants, en maternelle et en élémentaire) avait un problème de téléphone et n’avait pas du tout conscience que l’école avait continué… D’autres familles étaient perdues de vue ; nous ne le savions pas et j’ai alors proposé à la directrice de prendre directement contact avec les autres personnes « relais d’immeuble » (habitant.e.s mobilisés au Clos Toreau pour faciliter l’entraide). Je lui ai communiqué les coordonnées, après avoir recueilli leur accord pour effectuer cette démarche. Pour tous c’était naturel. Et j’ai constaté même que nous étions très contents d’être comme des ponts avec l’école et de créer des liens avec nos voisins. »
Ombeline H. parent d’élèves à l’école des Agenêts – 06 63 92 69 05 : « Après 2 mois de confinement, nos enfants ont besoin de bouger, d’aller dehors, de faire du sport…! C’est ce que je vois pour mes 3 enfants, c’est aussi ce que m’ont partagé les parents de l’école, quelles que soient leurs conditions de confinement, confortables et apaisées pour les uns, ou à l’étroit et compliquées pour d’autres… »
Une parent d’élèves de l’école Gay Lussac : « Avec d’autres parents d’élèves de l’école, nous avons proposé aux enseignants de les aider pour cette rentrée si particulière. Chaque matin nous participerons à la circulation dans l’école pour gérer les entrées et sorties et éviter au maximum les croisements entre les personnes. C’est important que les enseignants soient soutenus dans ce contexte ! »
Une enseignante F. : « L’école à distance et l’investissement des équipes éducatives ont permis de garder du lien avec la majorité des élèves. Mais cela ne remplace pas ce que l’on fait en classe. Notamment tous les aspects qui concernent l’apprentissage de la vie en collectivité, le vivre ensemble. Le protocole sanitaire va demander des trésors d’inventivité pour ne pas créer des phobies scolaires chez les enfants qui reprennent. En maternelle, ce qui est demandé aux collègues n’est pas respectueux des enfants et de notre métier. C’est un choc pour beaucoup d’entre nous, une grande tristesse. »
Une maman C. : « Pour nous qui vivons ce confinement en appart’, ce qui manque surtout c’est le lien avec la nature : activités jardinage, observations d’animaux, jeux de piste dans la ville ou les parcs. »
Un papa T. : « Pouvoir laisser vivre les enfants, essayer de ne pas les angoisser avec la peur de l’autre… Même si j’ai conscience qu’il faut mettre en place des mesures de prévention pour endiguer l’épidémie. »
Un papa M. : « Il faut proposer du soutien scolaire, en petits groupes. Car pour certains enfants, cela fera 6 mois sans école, avec des parents qui n’auront pas forcément pu passer beaucoup de temps à les faire travailler. Ça et du sport, des jeux, plutôt au gymnase ou à la maison de quartier. Car je crains qu’au parc ce soit difficile de partager l’espace entre usagers. »
Un papa F. : « Les humains – et à plus forte raison – les enfants ont besoin de socialisation ; leur équilibre psychologique est bien plus important que la « perte » de 2 mois d’enseignement. J’apprécierais que des activités, jeux de rôles par exemple, qui permettent aux enfants de retrouver et créer du lien social, soient mises en place, en visio ou en présentiel par petit groupe, facilitant la dimension sanitaire. »