La période nous enseigne à faire confiance aux habitants, à leur capacité d’agir et de se prendre en main – Intervention de Ghislaine Rodriguez


 
Madame le Maire, cher.e.s collègues,
 
Nous avons été plusieurs à le souligner : le confinement a révélé les disparités sociales accumulées au fil des années dans notre pays. 
Il a mis à rudes épreuves les plus fragiles, les plus vulnérables d’entre nous. Dont les personnes sans abri, les familles pauvres ou travailleurs précaires, les personnes âgées et les enfants…
 
Notre collectivité a su réagir, créer, soutenir ou accompagner les actions de solidarité et d’aide alimentaire, ou de soutien psychologique indispensables dans la période. Et les deux dernières délibérations en témoignent particulièrement.
 
La période nous enseigne pour la suite.
Elle nous enseigne à faire confiance aux habitants, à leur capacité d’agir et de se prendre en main. C’est le cas, quand au Clos Toreau, un réseau d’entraide citoyen assure un relai quotidien avec les personnes isolées, produit et distribue des masques gratuitement, crée une bibliothèque éphémère pour apporter de la lecture aux enfants, aide les enseignants à renouer le contact avec des enfants dont ils n’ont pas eu de nouvelles depuis longtemps…
 
La période nous rappelle également que les personnes les plus isolées, les plus fragiles ont besoin de notre soutien, à tous, de notre amitié.

C’est le cas, dans nos maisons de retraite, lorsque nombre de volontaires, agents de notre collectivité, viennent renforcer les équipes en place et permettent une sortie quotidienne dans le jardin de chaque résident, ou lorsqu’un musicien professionnel, joue bénévolement sous les fenêtres d’une maison de retraite où l’isolement et la solitude marquent nos anciens et peut aller jusqu’à altérer leur autonomie et leur santé

C’est le cas lorsque des bénévoles confectionnent des masques en tissu en lien avec l’Autre Hangar pour que les personnes vivant en squat ou en bidonvilles puissent se protéger.
 
Cela devra être le cas également lorsque nous fixerons les conditions de retour progressif à l’école.
Le principe de volontariat annoncé par le gouvernement met à mal le principe d’égalité de notre école républicaine. L’enseignement à distance, via le numérique, creuse les inégalités. Il ne s’agit pas de diaboliser le numérique comme le disait mon collègue Mounir Belhamiti ce matin, mais il ne faut pas non plus en faire un totem. Je vous livre ces mots de Philippe Meirieu, parus dans une tribune d’hier dans Politis : « Arrêtons de totémiser le numérique ! L’école c’est apprendre ensemble, et le mot ensemble est tout aussi important que celui d’apprendre ! »
Alors mettons en place les conditions pour accueillir en priorité et en toute sécurité les enfants qui ne disposent pas d’un environnement favorable pour un enseignement à distance, allons chercher les élèves décrochés et ceux qui sont en difficulté scolaire.
 
Oui, la période nous enseigne, sur l’entraide, sur la solidarité, sur le pouvoir d’agir des citoyens.
 
Elle met au jour également le travail de toutes celles et ceux qui prennent soin des autres, et qui travaillent souvent pour des petits salaires. Vous êtes nombreux à l’avoir souligné : oui il s’agit souvent de femmes, des métiers du care et de la distribution. 
Nous devons appuyer les changements nécessaires à une revalorisation salariale de ces métiers, et commencer à notre échelle une réflexion concernant les professionnelles de notre collectivité et des structures que nous finançons.
 
La période nous enseigne, sur la valeur de la vie, sur les valeurs que nous portons chacun et ensemble.
 
Elle nous conduit également et c’est parfois paradoxal à prendre des décisions rapides, l’État d’urgence prévoit des pouvoirs recentrés autour de quelques uns. 
Soyons vigilants donc dans la période à continuer à mettre en œuvre nos convictions démocratiques, nos valeurs de coopération. 
Prenons le temps de demander leur avis aux personnes fragiles, aux personnes âgées, aux enfants, continuons à les associer aux décisions qui les concernent, adressons leur une parole adaptée. Prenons le temps d’un retour sur nous-même, de faire le tri dans tout ce qui fait notre monde, entre ce qui est essentiel, ce qu’il est souhaitable de développer, et ce que nous décidons ensemble de transformer, d’arrêter. Et revenons en débattre, comme le propose Bruno Latour et son Médialab.
 
A ces conditions seulement, les solutions que nous trouverons ensemble pour vivre le monde d’après, en seront d’autant plus réalistes, adaptées et efficaces.
 
Je vous remercie.